Le passé du 24 boulevard Jean Jaurès

24jauresbEt si on remontait le temps, en se promenant boulevard Jean Jaurès ? Je vous propose de découvrir le passé du bâtiment sis à son numéro 24…

Comme vous le savez si vous suivez mon blog, je ne peux m’empêcher de fouiner régulièrement, tantôt aux archives, tantôt chez des brocanteurs, pour dénicher des indices concernant le passé de notre ville. Ma dernière trouvaille : une photographie ancienne sans adresse, ne sont indiqués au verso que l’année 1905 et le nom Louise Lévy. Le genre de mystère que j’aime résoudre !

« Aux Travailleurs »

24jauresfPour commencer mon enquête, j’examine l’image, et j’y constate que la boutique qu’on y voit est dénommée « maison Picard » et vend des chaussures et des vêtements. Mais les archives nationales restent muettes… Heureusement, un site d’enchères très connu va me mettre sur la piste. J’y découvre une carte publicitaire de début 1900 pour le magasin « Aux Travailleurs » tenu par… Roger Picard ! L’établissement est spécialisé en « confection, chaussures, articles de voyages et vêtements de travail pour tous corps de métiers ». L’adresse : 17 et 19 boulevard Jean Jaurès. J’y cours ! Problème, l’endroit (où se trouve actuellement un Franprix), ne correspond pas du tout à la photographie que j’ai dénichée…

Boulevard renuméroté

24jauresdJe me souviens alors que le boulevard Jean Jaurès a été renuméroté, mais je ne sais plus à quelle période. Je fais quelques recherches… Je sais que l’artère s’appelait, depuis 1880, boulevard National (et avant cela, boulevard Saint-Vincent-de-Paul). J’ai retrouvé des adresses d’alors par le biais de photographies anciennes, et je les ai comparées aux adresses actuelles en retrouvant les mêmes immeubles par observation. Et, en effet, il y a bien eu renumérotation : par exemple, la gendarmerie du 156 boulevard national est devenue la gendarmerie du 122 boulevard Jean Jaurès ; l’hôtel Privat du 115 boulevard national est devenu le Mac Donald’s du 93 boulevard Jean jaurès ; Au Vieux Noyer (magasin de meubles) passe du 137 National au 117 Jean jaurès ; le 100 National devient le 68 Jaurès…

24 !

24jaurescMais, les changements de numéros se sont opérés lors du changement de nom du boulevard (en 1925). Il me faut donc prendre le problème différemment. Et c’est tout simplement en me promenant que je découvre la bonne adresse : quelques détails sur la photographie, comme les gardes corps des fenêtres, me permettent de reconnaître l’immeuble du n°24. J’effectue alors mes recherches à l’envers, et je trouve trace d’un magasin « Aux Travailleurs », tenu par Henri Picard, aux numéros 17, 19 et 24 du boulevard Jaurès, ainsi qu’au numéro 3 de la rue Cousin (actuelle rue Roux, là où sévissait un gourou début 1900). Je trouve également trace des établissements « Henri et Alexis Picard Frères », aux 35, 37 et 46 boulevard National et 3 rue Cousin (les mêmes immeubles, mais  avec leurs adresses précédentes). Clairement, l’entreprise possédait plusieurs points de vente, et a développé son activité au fil du temps. J’ai trouvé une carte postale ancienne qui montre la même enseigne, début 1900, avec les paniers de vêtements sur le trottoir (entourés de rouge, ci-dessus). Aujourd’hui, se tient à cet endroit la boutique Samsung. Et l’arbrisseau de la photo de 1905 est toujours là, mais bien plus épais !

Faits divers

24jauresgEn revanche, question faits divers, je me suis trouvée face à des adresses très sages. Rien d’original à raconter. J’ai juste trouvé un article dans l’édition du 18 juin 1909 du Petit Parisien parlant du suicide d’un habitant de l’immeuble qui est aujourd’hui le 24 : « Hier matin, dans un fourré du bois de Boulogne, près du château de Bagatelle, on a trouvé le cadavre d’un jeune homme qui s’était tiré une balle de révolver dans la tempe droite. La mort paraissait remonter à quelques heures seulement. M. Barthélémy, commissaire de police de Neuilly, s’est rendu immédiatement sur place. Il a procédé à une enquête d’où il résulte que le suicidé se nomme Jacques Pamard et demeurait 46 boulevard National à Clichy. Nous nous sommes rendus à cette adresse où nous avons appris que ce jeune homme était électricien, qu’il était âgé de 24 ans. Ses parents sont très honorablement connus ; le père est comptable dans une administration à Paris. A la suite d’une fièvre typhoïde qu’il eut il y a quelques temps, Jacques Pamard était devenu sombre, taciturne et neurasthénique au plus haut degré. A plusieurs reprises il avait, du reste, manifesté son intention de se tuer. Il a tenu parole hier matin. Le corps a été transporté au domicile des parents ».

Ah, et le 18 janvier 1943, le Journal Officiel de la République Française publie un décret ordonnant la mise sous administration provisoire des « immeubles et terrains appartenant en tout ou en partie ou dirigés en tout ou en partie par des juifs »… S’en suit une liste de plusieurs dizaines de pages, parmi laquelle se trouve une entrée concernant la famille Picard à Clichy (je ne sais pas s’il s’agit de la même branche, je n’ai pas pu trouver d’arbre généalogique complet, je sais juste qu’Alexis Picard s’est marié en 1907 avec Berthe Silberschmit et qu’Henri Picard est né le 4 août 1882 et décédé le 2 janvier 1967 à Clichy). Bref, si il s’agit de la même famille, les Picard ont malheureusement du beaucoup souffrir au cours de la seconde Guerre Mondiale…

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A bientôt, pour un retour en arrière à une autre adresse !

Crédits photos : Archives nationales ; DR


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