La Rustine fut inventée à Clichy en 1908

rustibes002On connait tous les rustines, ces petites rondelles en caoutchouc qui sauvent d’une crevaison. Mais saviez-vous qu’elles avaient trouvé naissance à Clichy, au début du siècle dernier ?

Louis Rustin est le créateur de ces « dispositifs pour éviter les éclatements des pneumatiques pour tous les véhicules » (brevet n° 397 424 déposé le 15/12/1908). C’est ainsi qu’il les dénomma en déposant son premier brevet. Né le 29 février 1880 à Paris, cet inventeur passionné de vélo s’installe tout d’abord rue Truffaut, dans le dix-septième arrondissement, où il ouvre une boutique de réparation de cycles. Mais les techniques existantes ne le satisfont pas. Lui même cycliste, il est confronté aux crevaisons, qui immobilisent alors les bicyclettes pendant plusieurs jours… Il réfléchit donc à une solution plus simple et rapide pour repartir en selle. Il faut dire qu’à l’époque, les crevaisons sont très fréquentes, même en ville, du fait du mauvais état des routes.

Naissance rue Barbusse

rustinesboisssEn 1905, il s’installe à Clichy, rue Barbusse (qui s’appelait alors rue du Bois). Là, il met au point en 1908 une bande de cuir à coller à l’intérieur des pneumatiques. Perfectionniste, il travaille avec plusieurs ingénieurs pour améliorer sa création. Mais son élan est interrompu par la première Guerre Mondiale, qui le voit être mobilisé et partir au front. Dès son retour des tranchées cependant, il se remet à l’ouvrage.

C’est finalement en 1922 que la version définitive de la Rustine sera brevetée ainsi que la marque déposée. Et le succès est au rendez-vous ! L’armée française adopte les petites rondelles, qui s’écoulent dans le monde entier. La manufacture des Etablissements Rustin se situe du 12 au 20 rue du Bois. Sur la photo ci-dessus, prise pendant les années 1910, ces numéros se situent sur la gauche de l’image (le numéro 18 se trouvait au niveau du lampadaire).

« Vous pouvez crever ! »

rustinescreverOutre leur praticité, et leur efficacité pour un prix modique, les Rustines se distinguent par une communication plutôt décalée pour l’époque, avec des slogans comme « vous pouvez crever ! », ainsi que le montrent certaines publicités que j’ai pu retrouver dans de vieux journaux. « Si sa bosse se dégonflait, lui aussi aurait besoin de Rustines », peut-on lire sur une autre réclame, illustrée avec le dessin d’un dromadaire.

rustineschameauDans l’édition du 28 juillet 1924 de l’Humanité, une autre publicité vante ainsi l’ingénieuse invention : « Vous n’écrivez plus vos lettres à la main, vous vous servez d’une machine à écrire. Vous ne calculez plus mentalement, le progrès à mis à votre disposition des machines à calculer. Si vous avez a réparer une chambre à air sur la route comme au garage, vous n’utiliserez plus la dissolution, procédé démodé et peu pratique, mais vous utiliserez les Rustines, parce que rien ne peut prétendre réaliser un progrès plus probant. Les Rustines réparent instantannément toutes les chambres à air sans dissolution, sans essence, sans rien. Elles sont en vente chez tous les bons agents. Echantillon contre 1 franc en timbres-postes à Rustines, 20bis, rue du Bois, Clichy (Seine) ».

28 millions par an

rustines1927Dans les années 1930, pour suivre l’explosion du marché, les usines déménagent dans la Sarthe. A cette époque, plus de 28 millions de rustines sont produites chaque année. Il faut dire que l’automobile est en plein essor, et que le vélo est très utilisé (on comptait alors 8 millions de vélos en France).

A la même période, le siège social de l’entreprise est déplacé au 9 rue Castérès, qui se trouve également être le domicile de Louis Rustin (qui était propriétaire des 9 et 11 rue Castérès). Si les bâtiments de la rue Barbusse n’existent plus (ils ont été remplacés par des constructions modernes, sauf le numéro 18 mais qui est néanmoins postérieur à l’ère des Rustines car son architecture est typique d’une construction des années 30), ceux de la rue Castères sont toujours là. Ce qui est assez émouvant d’ailleurs, car c’est là-même que Louis Rustin rendit son dernier souffle, le 19 juin 1954, à l’âge de 75 ans.

2500 tonnes de caoutchouc

louis_rustin« Jusqu’en 1950, la principale activité de la société concerne la réparation de pneumatiques pour deux et quatre roues, la fabrication de colles et dissolutions, de patins de freins, bloc de pédales en caoutchouc, attache pour porte-bagage…  soit plus de 200 brevets et marques déposés. Quand il décède en 1954, Louis Rustin est toujours en activité et il s’est même fait un coin d’atelier dans son appartement », indique le site de l’entreprise, qui est toujours en activité.

Les Etablissements Rustin emploient aujourd’hui 80 personnes et écoulent 2500 tonnes de caoutchouc chaque année. Mais les Rustines ne représentent plus que 10.000 euros d’un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros annuels. C’est Louis Rustin, quatrième du nom, qui est désormais aux commandes. Les vélos ne sont plus les premiers moyens de locomotion concernés, les trains et métros du monde entier ont pris leur place dans les cahiers de commandes.

Enterré au cimetière Sud

rustin_tombeSi vous souhaitez tirer votre chapeau à Louis Rustin, premier du nom, sachez qu’il est enterré au cimetière Sud de Clichy, dans une tombe assez discrète de marbre gris. Enfin, pour l’anecdote, je vous citerai cette petite annonce débusquée dans l’édition du 8 janvier 1943 de Paris-Soir : « On demande machine à éplucher les pommes de terre neuve ou usagée, Faire offre Ets Rustin, 9 rue Casteres Clichy (Seine) ».

Ci-dessous, quelques visuels d’anciennes factures émises par les Etablissements Rustin, que j’ai pu dénicher chez des brocanteurs (classées par ordre chronologique) :

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rustines1938b
rustines1945
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Crédits photos : Marie Beleyme (photo de la tombe) ; DR


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